Le mythe du Dragon.

Rappel du premier message :





   Le dragon est un animal mythique habituellement représenté comme un gigantesque reptile aux ailes déployées. On le rapproche communément du serpent de par ses écailles et son profil effilé. Il est fortement lié aux éléments terre, feu et air. Il symbolise la puissance et l'intelligence. Sa force inégalée le place en souverain des terres et des cieux. La résistance de son épaisse carapace et la chaleur ardente de son souffle l'érigent en adversaire redoutable. Dans la plupart des légendes, la créature détient de nombreux secrets.




   Les récits abondent sur les dragons. Gardiens de fabuleux trésors, magiciens, ils sont réputés constituer la base de préparations aux vertus miraculeuses. Dans la tradition européenne, le héros, jeune chevalier vaillant se rend dans l'antre de la bête qu'il vainc au bout d'un combat épique. Il se retrouve alors en présence d'un trésor fabuleux, d'une princesse sublime ou de pouvoirs merveilleux. De fait, le dragon protège jalousement ses richesses des opportuns. Il défie les courageux. L'entreprise semble excéder la force du simple mortel. Pourtant, chacun peut s'engager dans la quête pourvu qu'il soit déterminé, préparé à périr le cas échéant.
   Pourquoi l'image du dragon est-elle associée aux richesses ? On dit que la fortune sourit aux audacieux. Un gain véritable est souvent précédé d'une lutte âpre. Le dragon de Saint Georges représente la bête non domestiquée en soi. Face aux pulsions certains se retirent à l'écart du monde, d'autres s'y plongent corps et âme. Qui de l'homme ou du gardien sera le vainqueur ? La lutte est inégale. Le héros doit son salut à une intervention bienvenue lorsqu'un objet magique ou une inspiration divine lui est accordé. S'il accueille cette grâce, aucune tâche ne s'avère insurmontable. Ainsi, l'épreuve du dragon concerne physique et mental. Elle ouvre par conséquent à d'incroyables ressources.




   La confiance est l'arme du guerrier. Il se sait préparé et décidé à risquer sa vie. Il n'est pas exempt de peur mais cela ne fait qu'exacerber son désir d'action. Conscient de l'ardeur de la bataille à livrer, il fourbit corps  et esprit. Le combat se présente difficile mais grâce à la faveur divine, il perce le coeur du dragon et s'en approprie les pouvoirs. Il découvre alors émerveillé un trésor inestimable : le secret de sa propre naissance qui est renaissance. En terrassant le monstre, il s'élève de la condition humaine. Hercule, célèbre référence, illustre héros de l'Antiquité se confronte à l'hydre de Lerne. Dès qu'il tranche une tête, deux autres éminences plus menaçantes encore repoussent. Sous l'inspiration de son oncle, il utilise le feu et cautérise les plaies, empêchant ainsi tout renouveau. Il sectionne net la tête centrale, immortelle. Celle-ci en partie constituée d'or forme l'origine de toutes les autres. Hercule l'enterre sous une pierre, coupant ainsi court à son influence nuisible.
   A partir de cette étape importante, le héros procède d'un grand pas vers l'affranchissement des désirs. Ayant calmé les passions, il dirige son intelligence sublimée, pouvoir nouvellement conféré, vers une aventure digne de son don. L'énergie céleste l'anime et l'émancipe des limites ordinaires. Le héros peut donc s'atteler à des travaux divins (à l'image d'Hercule). On retrouve cette mort symbolique dans le mythe nordique de Sigurd (Siegfried). Ce grand guerrier renverse un terrible dragon du nom de Fafnir. Il gagne des pouvoirs incroyables en dévorant le coeur de la créature et devient invulnérable en se baignant dans son sang. Cependant, il ne s'aperçoit pas qu'une feuille s'est déposée au creux des omoplates. Il meurt par la suite d'un trait empoisonné fiché à cet endroit. La cuirasse de l'ego, forteresse imprenable, est percée en son coeur par une volonté pénétrante annonciatrice d'un renouveau de l'homme, celui de la renaissance christique.




   Le serpent fabuleux s'apparente à l'énergie des profondeurs. Il patiente dans les abysses enroulé sur lui-même ce qui lui vaut le petit nom de lovée. Assoupi dans les tréfonds de sa caverne, le dragon tressaille par instant. Son souffle induit alors une vive vibration qui s'élève depuis les fondations de la Terre jusqu'à la surface. La représentation du serpent ailé figure une ascension, un dynamisme. La mythologie mexicaine évoque la création de l'univers grâce à la manifestation serpentine des dieux Quetzalcoatl et Tezcatlipoca (dualité que nous retrouvons par ailleurs dans le caducée : deux reptiles qui s'enroulent le long d'un axe). Dans la légende, l'émergence du monde s'initie avec le démembrement de la déesse de la terre pour engendrer un espace fertile. Un sacrifice pour une naissance. Cette évocation met en évidence le caractère créateur, purificateur de cette énergie ainsi que sa part destructrice.


  Le dragon est le gardien du feu et mieux vaut ne pas le sous-estimer. Pourtant, il n'est ni coléreux ni mal intentionné. Il arrive par ailleurs qu'il prête son coeur à un être sincère. On raconte que par ce partage, il lie son destin à cette unique personne, insufflant sa force à l'heureux élu. S'il l'autorise, le guerrier peut s'asseoir sur son dos. Il s'agit alors de connivence plutôt que de maîtrise car à tout moment l'impudent peut être mis à bas. Le dragon est fier et doué d'une intelligence remarquable. Il agit pour le bien de l'être qu'il a reconnu digne d'attention. C'est pourquoi il peut se maintenir dans l'ombre s'il estime que le héros n'est pas suffisamment aguerri. Celui qui forcerait son réveil malgré tout doit s'apprêter à subir son courroux.
  Le serpent de feu est vécu comme une énergie fédératrice. Il sublime les contraires. Son expérience apporte la connaissance de différents souffles. Dans la tradition indienne, Ida et Pingala consistent en deux canaux d'énergie s'enroulant le long de la colonne vertébrale (caducée te revoilà !). Pingala est associé au soleil et Ida à la lune comme aux principes masculin et féminin. Sushumna désigne l'axe vertical autour duquel s'élèvent ces deux conduits ainsi que le chemin d'ascension du serpent qu'on nomme Kundalini. Lorsque les souffles s'harmonisent, la montée s'effectue. Dans le conte, le prince se familiarise avec le dragon. L'appréhension est remplacée progressivement par l'assurance, la foi en un destin favorable. Dans cet espace, tout est action. Le héros affronte une puissance incommensurable et son arme la plus sûre est l'humilité. Il se remet entre les mains des sphères célestes. En abandonnant sa vie à ce qui le dépasse, il renaît d'un souffle nouveau qu'on nomme communément Saint Esprit. Le dragon et le prince ne faisant plus qu'un, les savoirs du premier sont conférés au second. La princesse délivrée, les principes masculin et féminin sont équilibrés. Le trésor véritable est alors à portée.



  Le mythe du dragon continue à alimenter l'imaginaire populaire de toutes les régions. Source d'une précieuse sagesse, le serpent à la langue de feu nous enchante par ses frasques formidables. Créature fabuleuse, imposante, sa grâce l'affirme comme empereur terrestre et céleste. Il est puissance endormie, maître du secret de la vie. Etre indompté, son amour favorise l'harmonie des énergies. Son ascension majestueuse nous ouvre à la connaissance. Sa légende est une porte ouverte sur le Ciel.