Dépendant du plaisir

Rappel du premier message :

Bonjour tout le monde

Suite à mon précédent message, dans lequel je cherchais des pistes pour lutter contre mes peurs (un peu la peur de tout), j'ai compris que je devais passer par le ressenti, c'est à dire observer non pas avec mon intellect mais de manière plus intégrale en y ajoutant mon ressenti intérieur. Je passe donc naturellement mes moments à essayer de vivre mon corps pendant la méditation et la vie de tous les jours.

Le premier problème c'est que cela me demande souvent un effort car je me sens mal à l'aise dans ce corps, je ressens surtout des tensions un peu partout et surtout au niveau de la gorge. Mais aujourd'hui, je suis quand même bien décidé à découvrir ce qui se cache derrière donc ce n'est pas vraiment LE problème.

Le vrai problème, plus important, c'est qu'il m'apparaît extrêment difficile de ressentir mon corps dans la vie active ou pendant les temps "hors méditation". C'est un peu le même problème que j'ai rencontré en essayant d'intégrer la méditation pendant la journée ou pendant les pauses (je n'y arrive toujours pas). En fait, je me rends compte que dans ces moments là, je ne suis poussé que par une chose : la recherche d'un plaisir. Ce plaisir peut prendre les formes les plus anodines :
Par exemple, au travail, j'ai souvent envie de me débarasser des tâches pour être libéré et passer à quelque chose qui me plait.
Chez moi, dès que je m'ennui, je cherche désespéremment à m'occuper, à me faire plaisir. Par exemple, je vais chercher à ré écouter de la musique dans le seul but de m'apaiser, de me faire plaisir au travers les émotions que je pourrais ressentir.

Cela me donne la sensation d'avoir toujours besoin d'un certain plaisir, comme si je ne pouvais jamais m'en passer. Quand je finis la méditation, je me dis souvent : "bien, maintenant je peux faire ceci ou cela" comme si j'étais libéré et que je pouvais maintenant me faire plaisir. Même sans désir particulier, ma première idée, c'est de rechercher le plaisir, c'est comme si c'était instinctif.

En fait, en m'observant, je me dis que la grande majorité de mes actions ou réactions ne visent qu'à obtenir un bout de plaisir, généralement du comfort. Je me dis aussi que c'est un plaisir qui n'est que d'ordre psychologique, il n'y a pas véritablement de raison à sa recherche si ce n'est la sensation (le calme, l'excitation, la sensation d'avoir été utile ou aidé quelqu'un, etc). Rechercher ce plaisir me coupe totalement de mon corps car je suis tellement accaparé par la situation que je l'oublie.

Quand j'observe autour de moi, j'ai l'impression que tout le monde est aussi dépendant d'une certaine forme de plaisir. Cela va des drogues, en passant par le jeu jusqu'à l'idée, l'écriture, la passion pour une chose. Ce plaisir n'apporte rien de plus que le sentiment d'être plus heureux et au final, j'en viens quelque fois à me dire que plus on ressent du plaisir, plus on est heureux.

Cela dit, j'ai quand même la sensation de fuir quelque chose (la solitude ? le présent ?), que ce soit à travers mes peurs ou à la recherche d'un plaisir, surtout lorsque je juge la situation contraignante. Je me dis qu'il n'y a pas non plus de solution intellectuelle à ce problème de dépendance car chercher à me défaire de cette recherche du plaisir reviendrait aussi vouloir chercher une autre forme de plaisir (par le fait de ne pas en avoir).

Je me demande donc comment vous, vous vivez le plaisir. Le recherchez-vous sans cesse, que ce soit au travers des livres, des films ou autre activité culturelle ?
Peut-on vivre pleinement un plaisir et sa recherche ou bien, sommes-nous toujours coupés d'une partie de nous-même dans les deux cas ?

Je vois bien que dans le plaisir, je suis la sensation même et dans sa recherche je souffre psychologiquement car je cherche à combler un manque, donc dans les deux cas je n'arrive pas à intégrer le ressenti. Ces moments où je recherche à faire ce que "j'aime" occupent une grande partie de mon temps... soit je suis tiré par mes peurs, soit par le plaisir (et mes peurs créent un manque de "bien-être" que je cherche à combler par du plaisir)... entre les deux je tente de méditer et de ressentir... bien difficile !

fab a écrit:

désirer fait souffrir.

C'est vrai, la plupart du temps lorsqu'on désire on ressent aussi une certaine souffrance.
Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons. Lorsqu'on désire quelque chose ou quelqu'un qui est hors de notre champs d'action, hors de notre puissance. Mais aussi quand on a peur de ne plus pouvoir gouter au plaisir qu'on a lorsqu'on possède cette chose, ou lorsqu'on est avec cette personne. En fait la souffrance ne vient finalement pas tant du désir en lui-même que de la représentation qu'on lui additionne.

Or il le semble qu'on peut travailler sur ces représentations qu'on colle sur le désir, et en particulier sur le désir de plaisir.
Épicure proposait de faire la distinction entre plusieurs types de désirs : Les désirs naturels et nécessaires, les désirs naturels mais non-nécessaires, et les désirs non-naturels et non-nécessaires.
Après un tri minutieux on s’aperçoit qu'au final, désirer n'est pas systématiquement synonyme de souffrance quand on a travaillé à comprendre comment cela fonctionne et qu'on a agit sur les représentations qu'on se fait du désir et de ses objets. On se rend compte que la notion de désir a été connectée de façon malveillante à la notion de manque, et par là à la notion de souffrance. Or le désir n'est pas du manque, c'est simplement un excès de volonté qui menace débordement lorsqu'il est mal compris ou mal canalisé.

Dès lors, on peut désirer de façon décomplexée, sans faire de la recherche du plaisir une quête sans fin. Tout cela parce qu'on aura travaillé sur nos représentations et qu'on se sera écarté su consensus qui fait du désir de plaisir un manque impossible à combler. Car cette représentation biaisée du plaisir relève d'une morale antinaturelle, dirigée contre les instincts vitaux, c'est une négation de la vie et du fait que nous sommes des êtres de désir et d’intérêt.

Mon cher fab, j'ai lu ton post et je suis assez effaré! Il faut arrêter d'urgence toute "méditation" et vivre tous les "plaisirs" qui se présentent, en pleine acceptation et toute conscience.

Coucou Anima, Cthulhu,

Anima :

De même, essayer d'en profiter au max, ça ne fonctionne pas :
Lorsque je pratique une activité et que je cherche à en profiter, j'en suis automatiquement séparé et le plaisir n'y ait pas totalement. Mais paradoxalement si la pensée est absente lors de l'activité alors j'en profite entièrement. Le désir de rechercher le plaisir est conflictuel dans le sens où dès que le plaisir est le résultat d'un désir, ce n'est plus un réel plaisir mais un plaisir bien plus fade que la première fois. C'est d'ailleurs pour cela qu'au bout d'un temps, on s'en lasse et on cherche d'autres plaisirs, on s'ennuie. En fin de compte, je désire perpétuer un plaisir et à la fois, je désire en chercher un autre.

Quoi qu'il en soit, ce vide est là et je veux le combler. La peur de mourrir ou de vivre ? Les deux peut-être, je ne sais pas vraiment. Je me dis seulement : "tu es en vis, c'est une chance, un cadeau, et ce temps si court et si précieux tu le dépenses à t'ennuyer et à t'occuper de tes petits problèmes". Alors je cherche du plaisir, que ce soit une activité personnelle ou celle d'aider d'autres personnes...
Et lorsque je désire, que je prends ce plaisir, c'est en sachant après coup que c'est cela qui me fait aussi souffrir (en me faisant remonter des peurs, des frustrations).

Je vis en réfléchissant au passé, en me projetant dans le futur et tout cela ne fait qu'entretenir la recherche du plaisir. Quand ce plaisir n'y est pas et que je ne le trouve pas, je cherche, comme tu le dis, une raison de vivre, un sens à tout cela et parfois cela m'amène à croire pour me rassurer. Je retombe dans le plasir, celui de croire, de me satisfaire d'une idée. Je sais que je ne vis pas les choses de manière totale (en ayant pleinement conscience de mon intérieur), mais je m'y efforce

Cthulhu :

Oui, je désire des choses qui ne sont pas à ma portée je souffre, et lorsque je possède cette chose je ne veux pas m'en séparer je souffre aussi. Je suis aussi conscient que désirer n'est pas forcement synonyme de souffrir.
Par exemple, je peux être curieux et désirer conduire une voiture "spéciale" pour voir les sensations que l'on a au volant sans que cela n'entraîne une souffrance. Comme tu le fais remarquer, tout semble être une histoire d'idées, de représentation que l'on se fait de son désir car si maintenant, je m'imagine que c'est la dernière fois que je pourrais voir et conduire une telle voiture alors cette idée là peut me faire souffrir car je ne veux pas passer à côté de l'occasion.
Il n'y a qu'un pas (ou qu'une idée) pour passer d'une curiosité (naturelle?) à une souffrance.

Cela dit, j'ai quand même du mal à imaginer un classement dans les désirs. Si mon désir n'est pas dans la bonne catégorie (par exemple "non-naturels" et "non-nécessaires"), faut-il encore arriver à s'en libérer par la simple idée que ce n'est pas un "bon" désir.
Est-il réellement possible que nos désirs tombent toujours dans la bonne catégorie ou faudrait-il en faire le tri régulièrement ? En d'autres termes, a t-on la capacité de voir que nos désirs sont parfois biaisés par les représentations que l'on s'en fait ? Je pense que oui... mais c'est du travail ...

tu es en train de nettoyer ton disque dur; c'est long mais c'est cool! ce qu'il y a de biens avec ça c'est que la peur est à son paroxisme; peur de perdre des choses importantes et auquel on tiens, on attend patiemment; figé sur la tâche qui s'accomplit si lentement qu'on a l'impression que rien ne bouges, on y pense et on oublie et puis vient le verdict oui on a bien perdu des trucs, ça fait mal et puis ça passe; on voit qu'on s'allège et c'est ce qui compte et on s'aperçoit que tout est éphémère; il n' y a rien à quoi, à qui on peut s'attacher enfin si mais je penses que tout doit rester éphémère justement; sentiment objet personne lieu pour l'ouverture d'esprit oup's je m'égare comme d'hab...