Christian Bobin (auteur)

Rappel du premier message :

J'ai très envie de vous faire partager cet auteur qui me semble un peu méconnu et qui je pense, pourra intéresser certains. C'est un auteur solitaire, secret, au coeur vibrant d'amour, de lucidité et de silence : son écriture ne fait pas de bruit. A mon goût, une sorte de prière. Une baignade en pleine lumière! Ce sont de ces livres "bonne surprise", qui apparaissent soudainement sur un rayonnage de librairie. Ils sont comme un silence qui attend avec un sourire que tous les bavards ne se taisent pour donner ce qu'il a donner.

Je vous conseillerai tout particulièrement "Ressusciter" et le recueil "La Présence Pure", particulièrement les passages du "Christ aux Coquelicots", dont la pureté me fait chaque fois frémir...
Il y en a une foule d'autres.

Je vous fais passer quelques liens qui vous permettront, si vous en avez l'envie, de faire un peu connaissance avec lui.
- http://bourgogne-franche-comte.france3.fr/emissions/20417910-fr.php

Des interviews,
- http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=352
- http://www.lmda.net/mat/MAT00601.html

Et même, une petite vidéo :
- https://www.youtube.com/watch?v=5YiwhsK6_bo

Régalez-vous.

J'ai vu la mort éteindre deux yeux couleur de mirabelle. Ces yeux étaient ceux d'un petit chat noir à la maigreur franciscaine, sorti de la forêt qui entoure la maison où j'écris. Deux années d'enchantement ont suivi sa venue avant que la mort mette la main sur ce joyau. Dans la dernière heure, son corps adopte une souplesse de poupée de chiffon, ses yeux tiennent un peu jusqu'à ce qu'une sidération les écarquille et que leur couleur mirabelle inonde le monde. Son étonnement est alors d'un vrai penseur qui sent que quelque chose est sur le point de naître. Puis une lumière noire, liquide, luisante comme une laque couvre ses yeux. Quelqu'un dont le masque semble celui d'une divinité égyptienne me regarde à travers eux sans me voir — un juge si profond qu'il renonce à son jugement. Des royaumes de nuit me fixent, indifférents. Et tout prend fin. Une confiance, une douceur et une élégance ont ce soir-là à jamais disparu de l'univers. Quand je repense à cette soirée, un long éclair traverse mon cerveau et s'enfonce dans ses entassements blancs. J'avais eu le triste privilège de voir une innocence vidée en un instant de sa lumière. La grande vague noire lancée du fond des temps avait repris un des siens. Le chat avait rejoint la source de ses beaux yeux.

(…)


Je sais ce que c’est maintenant, un chat : c’est quelqu’un qui ressemble à un chat, qui vient et qui vous prend le cœur.


Christian Bobin

erell a écrit:

J'ai vu la mort éteindre deux yeux couleur de mirabelle. Ces yeux étaient ceux d'un petit chat noir à la maigreur franciscaine, sorti de la forêt qui entoure la maison où j'écris. Deux années d'enchantement ont suivi sa venue avant que la mort mette la main sur ce joyau. Dans la dernière heure, son corps adopte une souplesse de poupée de chiffon, ses yeux tiennent un peu jusqu'à ce qu'une sidération les écarquille et que leur couleur mirabelle inonde le monde. Son étonnement est alors d'un vrai penseur qui sent que quelque chose est sur le point de naître. Puis une lumière noire, liquide, luisante comme une laque couvre ses yeux. Quelqu'un dont le masque semble celui d'une divinité égyptienne me regarde à travers eux sans me voir — un juge si profond qu'il renonce à son jugement. Des royaumes de nuit me fixent, indifférents. Et tout prend fin. Une confiance, une douceur et une élégance ont ce soir-là à jamais disparu de l'univers. Quand je repense à cette soirée, un long éclair traverse mon cerveau et s'enfonce dans ses entassements blancs. J'avais eu le triste privilège de voir une innocence vidée en un instant de sa lumière. La grande vague noire lancée du fond des temps avait repris un des siens. Le chat avait rejoint la source de ses beaux yeux.

(…)


Je sais ce que c’est maintenant, un chat : c’est quelqu’un qui ressemble à un chat, qui vient et qui vous prend le cœur.


Christian Bobin

Merci ma douce amie pour ce passage de Christian Bobin... Je l'ai relu plusieurs fois tant il m'a plu. Beaucoup d'émotion et de beauté ressort de ces lignes. Vraiment c'est un auteur qui doit faire partie de ma bibliothèque.

"... le bruissement ailé de la fuite dans le noir..."

Bobin, l'épuisement

"N'oublie pas une seconde que celui ou celle qui te regarde, ses goûts, ses gestes, ses pensées ont été façonnés par une longue histoire qui t'est étrangère. Rappelle-toi bien que celui ou celle que tu regardes ne te doit rien, n’est pas une partie de ton monde ; il n’y a personne dans ton monde, pas même toi. Goûte la plus grande jouissance qui soit : aime celui ou celle qui est devant toi, aime-le d’être ce qu’il est, une énigme – et ne lui demande pas d’être ce que tu crois, ce que tu espères, ce que tu attends, ce que tu veux.

Christian Bobin

Pour toi.



                                      Christian Bobin

Merci à tous les deux pour ces belles citations de Christian Bobin

"[...] tout se donne à voir, sur le ciel d'un visage."

Christian Bobin,
"La part manquante"

Merci pour toutes ces belles citations de Christian Bobin. Je le découvre de plus en plus. J'avais acheté un de ses livres (je ne me souviens plus le titre, pauvre mémoire!) et je sais que je l'ai prêté à quelqu'un. Mais à qui? C'était il y a longtemps; la personne ne me l'a pas rendu...

"Tout  ce que je sais du ciel me vient de l’étonnement que j’éprouve devant la bonté inexplicable de telle ou telle personne, à la lumière d’une parole ou d’un geste si purs qu’il m’est soudain évident que rien du monde ne peut en être la source. "

Christian Bobin

 Une belle citation ! Merci Fred.

Quelle belle citation!Comme je la ressens... Merci mon amie et vous tous de me rappeler combien cet auteur peut nous enrichir

Extrait "L'homme-joie" C.Bobin.

"Christian Bobin a publié une vingtaine de très courts livres, mais ces livres sont des lumières allant vers la meilleure part de nous-mêmes. Curieux écrivain que l'on ne semble connaître que par ses citations, d'ailleurs il semble construire ses textes comme un vivier d'où écloront quelques phrases à graver dans l'herbier des mémoires.
La longue haleine ne le concerne pas. Il parle doucement, et par ondes concentriques, il arrive à la phrase, cernée, polie, qui va s'incruster en nous.  "Esprits Nomades

Merci à chacun pour tous ces beaux extraits de C. Bobin... Quelqu'un pourrait-il me donner un ou deux titres de ces livres. Le seul que j'ai lu (dont je ne me souviens plus du nom), je l'ai prêté et on ne me
l'a jamais rendu. Merci

Volontiers Reïna !

"Donne-moi quelque chose qui ne meure pas."
"L'épuisement."
"Ressusciter."
"La lumière du monde."
"Le Christ aux coquelicots."
"Mozart et la pluie."
"Lettres d'or."

Les Nymphes de papier a écrit:

Volontiers Reïna !

"Donne-moi quelque chose qui ne meure pas."
"L'épuisement."
"Ressusciter."
"La lumière du monde."
"Le Christ aux coquelicots."
"Mozart et la pluie."
"Lettres d'or."

Merci beaucoup d'avoir répondu si vite à ma demande. Voilà de quoi alimenter mes lectures.
Bisous