Méditation

Dans la tradition tibétaine du Grand Véhicule on pense, à raison, que chaque individu, quelle que soit son activité par le corps, la parole et l’esprit, a pour objectif principal de fuir la souffrance et d’accéder au bonheur. Mais pour cela, il faut arriver à accumuler des causes de bien-être et amoindrir les raisons de nos souffrances. Ainsi, la motivation qui préside à la méditation est d’une grande importance. La motivation peut être alors de deux ordres. En effet, soit l’on pratique la méditation dans le but de se libérer soi-même des souffrances du Samsara (sphère des existences infortunés sans libertés), soit l’on pratique la méditation dans le but d’acquérir des qualités spirituelles qui puissent favoriser le bonheur de tous les êtres, soi y compris.
La médiation peut aider à y voir plus clair dans ce double objectif.
Tout d’abord, la méditation peut prendre communément deux aspects : la concentration et l’analyse.
A. La méditation sous la forme d’une concentration a traditionnellement pour but de faire le vide dans son esprit.
B. La méditation analytique a pour but de connaitre par l’esprit toutes les facettes d’un objet (ce qu’il est comme ce qu’il n’est pas). L’objet peut être physique (une statue de Bouddha) ou bien d’ordre métaphysique (méditation sur l’amour et la grande compassion, par exemple).

Toutefois, l’une ou l’autre forme de méditation font toutes deux appellent à la Mémoire. En effet, dans le cas de la concentration, même s’il n’y a pas de support direct, la mémoire intervient puisqu’il faut se souvenir sans cesse (ne pas oublier donc) l’objectif de notre concentration (faire le vide). Dans le cas d’une méditation analytique, il est nécessaire pour le pratiquant de rappeler sans cesse, sans l’oublier, l’objet ou le support de méditation.
Un exercice de méditation analytique peut consister à faire advenir à l’esprit d’abord une silhouette de Bouddha (avec sa tête, ses deux bras et son socle). Puis à tâcher de la conserver le plus clairement possible à l’esprit. Les débuts sont difficiles, et il est probable que nous ayons à batailler avec notre propre esprit pour pouvoir  conserver l’image du Bouddha le plus longtemps et le plus précisément possible.
En effet, notre esprit au sein duquel s’établissent nos Klesha (ou facteurs perturbateurs comme l’orgueil, la colère, la paresse etc…) peut nous jouer des tours en s’évadant le plus loin possible de l’image de notre méditation.
Ce qui serait bon de faire c’est de prendre les reines de notre esprit, en le rendant plus docile à nos objectifs…Sinon, l’esprit a une tendance naturelle à faire ce qui lui plait, ou plus précisément ce à quoi il est le plus accoutumé.

C'est toujours bien de se souvenir des bases. Ce qui m'a interpellé, c'est la "Mémoire". Le grand véhicule, dans ses fondements, est une voie progressive. Il utilise de surcroît le matériel de départ du pratiquant. Mais je crois que c'est bon de se rappeler qu'il s'agit de stratégies pour faire face à un esprit non dompté. Et que les stratégies du "début" ne sont pas les stratégies de "fin". Sous peine de se retrouvé captif de la voie progressive elle-même. La mémoire est donc une stratégie du début. Qu'en penses tu ?

Ce topic est un beau rappel de pratique pour notre petit rendez-vous du dimanche, pour l'épanouissement de l'amour dans le monde.

Bonsoir Qibai et Aurora,
Concernant la question sur l'importance de la mémoire, je crois que son enjeu est crucial. Bien plus, il me semble que la mémoire intervient quelque soit le niveau du pratiquant.
En effet, selon l'école philosophique bouddhiste à laquelle j'appartiens, la "mémoire"est un facteur mental déterminant. Elle permet de garder présent à l'esprit l'objet de la méditation. Naturellement cet objet est déjà connu de nous. Enfin, la mémoire protège de la distraction.

Elle a donc trois caractéristiques:

objet: l'objet est un objet auquel on est déjà habitué.
aspect: on oubli pas cet objet
fonction: s'oppose à la distraction.

Dès lors, je ne pense pas que l'on puisse considérer la mémoire comme non nécessaire à un pratiquant même très avancé

Je comprends. Je suis habitué à ce genre de démarche. Et en même temps, nous ne mettons pas la même charge derrière "mémoire", ni n'employons la même méthodologie. Ca fait sûrement les richesses des différentes "stratégies" spirituelles.

Je pensais que dans ta tradition, selon l'expérience des terres de bodhisattva ou des terres tantriques, l'approche pouvait varier. Genre la distance entre mahamudra ou dzogchen. Ou pratique de bodhisattva ou des yogis "fous". D'où ma remarque sur la mémoire.

Dans ma propre pratique, issue de ma tradition de "naissance" et de ma tradition d'"adoption", la mémoire est devenue un frein. Comme si l'esprit n'était pas dompté pour instantanément se fondre sur sa contemplation. Je ne me place pas du tout sur la grille de lecture tibétaine avec les méditations analytiques ou les absorptions méditatives. Parce que la mémoire semble un outil indispensable dès lors qu'on se consacre à ta voie.

Peut être vaudrait il mieux utiliser le mot "vigilance" plutôt que "mémoire" ?

Bonjour Aliya (très joli pseudo),

Il est certain que la vigilance joue un rôle capital dans la médiation telle que je la pratique. Cependant, elle ne me semble pas avoir le même rôle que la "mémoire" qui sert à garder présent à l'esprit un objet que nous connaissons déjà (!). Alors, que la vigilance me semble utile (voir indispensable) aussi bien pour les objets inconnus et les objets déjà connu.

Par exemple: si je décide de méditer sur une représentation de Bouddha, il y a fort à parier que je ferai apparaître dans mon esprit une image que je connais déjà (ce sera donc le travail de ma mémoire).

Alors que si j'avais la chance d'avoir une vision, il y a fort à parier que je n'aurai encore jamais vu cette vision, et qu'elle serait donc nouvelle. Dans ce cas la vigilance (qui peut aussi consister à ne pas laisser son esprit vagabonder en restant concentré) peut (selon moi, mais il faudrait consulter des manuels sur le sujet) avoir un rôle plus important que la mémoire au moment de la perception directe de la vision.

Enfin ce n'est que mon avis! qu'en pensez-vous?

Je trouve que du moment que çà colle avec ta tradition, et que ça "t'amène" à la libération de la souffrance et à l'illumination, tout est bon.

Ce que je retire de ton témoignage, c'est qu'il est bon quelques fois de ne pas faire de mélange de tradition sous peine de se tromper complètement de sujet

Je suis d'accord, chaque tradition correspond à un type de pratiquant, mais les buts sont à peu près les mêmes: moins souffrir...

Hum , la méditation peut n'avoir aucun objet , ni faire intervenir la mémoire , la méditation est pour moi l'expérience de la conscience , le corps , les émotions , les pensées sont autant de produit de nos fonctions , ce n'est pas tant l'objet de notre attention qui est important mais cette attention elle même , son intensité , ses fluctuations , mais l'objet de cette attention n'est que source d'identification , le but de la méditation pour moi est l'éveil , si l'éveil nous montre les causes objectives de nos souffrances , cette souffrance n'est pas pour moi pas le but de la méditation , love .

OUPA a écrit:

Je suis d'accord, chaque tradition correspond à un type de pratiquant, mais les buts sont à peu près les mêmes: moins souffrir...

ou moins se prendre la tête

ming i a écrit:

[

ou moins se prendre la tête

Ce qui revient au même...

oui

Si le but des pratiques méditatives de toutes traditions est seulement de moins se prendre la tête, mon intérêt pour celles-ci se trouve un peu diminué ...

Finalement si ce n'était que ça, il faudrait plus revoir notre style de vie et nos rapports avec nous même et les autres plutôt que méditer ?

Peut etre que ca laisse plus d espace a la meditation/ contemplation de plus se prendre la tete?

(Con)Science a écrit:

Si le but des pratiques méditatives de toutes traditions est seulement de moins se prendre la tête, mon intérêt pour celles-ci se trouve un peu diminué ...

Finalement si ce n'était que ça, il faudrait plus revoir notre style de vie et nos rapports avec nous même et les autres plutôt que méditer ?

Je crois qu'il est important de garder une certaine fraîcheur, voire une certaine "naïveté" quant à la pratique.  J'aurais tendance à dire qu'on pratique la spiritualité pour les mauvaises raisons. Mais que l'erreur nous pousse à continuer et que cette erreur finit par se dissoudre et nous pousse à goûter directement le  "grand mystère".


Ceci dit, il est certain que le mental aime ce qui est tonitruant, voire ce qui semble surhumain. Qu'il a besoin d'être séduit. Et que si une tradition se présentait comme étant  l' "Ultranormalite" (et non la Spiritualité), le mental ne verrait aucun éclat et s’ennuierait bien vite, le pauvre chéri !

Mais ce qu'il reste après les erreurs, les expériences mystiques et le reste, c'est souvent l'humus et l'absence de clinquant. Avec un coeur gros comme ça