La machine à café

La machine à café



-Satanée machine !! Tu me fais chier !»

Je manquai de peu de me casser le pied dessus. C’est qu’elle est solide la bougresse. Je venais tout juste d’introduire un euro cinquante dans la machine à café automatique de la gare. En échange je ne reçus rien, pas même un gobelet vide. Une machine nouvelle génération, rouge feu, brillante, attirante telle une lueur divine au milieu de sombres ténèbres. Enragé, je la secouais de toutes mes forces mais elle ne bougeait pas d’un pouce. Elle me narguait. Sur ces robots, expression de modernité, les vieilles diodes rouges clignotantes ont laissé place à un écran LCD dernière génération. De magnifiques clichés de boissons chaudes ont remplacé les petits slogans et la simple liste de sélection. De bonne constitution, elle semblait prête à subir les chocs les plus violents. Je me calmais un peu, mon train arriva. Cependant je n’abandonnais pas.

Le lendemain, en retard, j' arrivais en trombe sur le quai, je pris de juste mon précieux train. Dans une foulée des plus mémorables, tenant à la taille mon jean qui souhaitait se faire la malle, j’aperçus le préposé et la machine à café. Ils me donnèrent l’impression d’être un couple démoniaque, se chuchotant l’horrible ignominie dont je fus la victime la vielle. Il récoltait les fonds, et remontait les niveaux, elle semblait prendre son pied. Je tirais la grimace, ressassant mon euro cinquante. J’aurais voulu le choper par le col et lui donner le fond de ma pensés. Mauvais timing. Cependant je n’abandonnais pas.

Le lendemain, j’étais assis aux abords du quai avec une heure d’avance. A quelques pas de la machine, je buvais mon café au thermos, scrutant méthodiquement tous les accès de la gare. Il sortira bien de son trou, tôt ou tard. Dans le même temps, des gens se ravitaillaient à la machine. J’aurais aimé les prévenir, leur dire qu’ils se présentaient innocemment aux portes du diable, que leur petite pièce risquait d’être happée par le néant. Le comble, et j’en fus dépité, en échange de monnaie, il reçurent un café. Dans un beau gobelet blanc, fumant et en plus, « le summum du bonheur » une touillette. L’un d’entre eux osa s’asseoir à coté de moi, il sirotait bruyamment. J'aurais voulu le jeter sur les rails, l’annonce du passage d’un TGV venait tout juste de retentir. Mon train arriva. Ils le savaient, ils me surveillaient, j’entendais les rires et le tintement de mon euro cinquante. Cependant je n’abandonnais pas.

Une semaine, peut être plus, passèrent; Pris par le train-train de la vie, mon euro cinquante quitta la liste de mes priorités, cependant, que je le veuille ou non, tous les matins, croisant la machine à café, une nausée me prenait à la gorge.

Ce matin là, un jour de vacances, je me rendais à la ville pour des broutilles.

Le souffle du destin caressa mon visage. Je me retrouvais face à face avec l’homme qui s’occupait des machines à café. De ses grosses mains boudinées, il poussait son chariot, plein de boissons , d’énormes sachets de cafés, de thés, et autres cappuccinos. Serré dans une combinaison bleue à l’effigie de la marque des machines, dégarni, une couronne de cheveux bruns encercle son crâne déformé.

-Hé vous ! J’aimerais vous parler, je ne suis pas content du tout.

-Je vous écoute que puis-je faire pour vous? » Me disait- il d’un ton aimable.

-Il y a de cela quelque jours, j’ai inséré dans cette machine, un euro cinquante et cette machine de malheur ne m'a rien donné, ni même remboursé. C’est inadmissible. J’exige remboursement et de suite »

Le proposé, l’air taquin répondit
- Je suis sincèrement désolé c’est que, malheureusement, la machine ne possède pas de réservoir infini et il arrive bien souvent qu’elle soit en panne. Ces nouveaux modèles sont populaires, vous savez ? Et je m’occupe de plusieurs machines postées en différentes gares.

Un peu confus je balbutiais ces mots
- Et les touillettes ? Pourquoi, nom de dieux n’ai-je pas le pouvoir de faire remonter le sucre qui stagne au fond du gobelet? Pourquoi sur mes cinquantaines de gorgées, n’ai-je droit qu’a trois, voire quatre rasades froides et sucrées. Dites moi donc ? Hein ? Pourquoi ?

L’homme d’entretien resta silencieux un moment. J’attendis sa réponse.

-C’est un problème de fabrication, je ne suis pas responsable de cela. Si vous souhaitez vous plaindre, il vous faut contacter les constructeurs de la machine. Leur adresse figure sur tous les appareils. » Son air taquin s'était dissous. Il semblait gêné.

-Rendez-moi mon argent. Lui ordonnai-je. Il vous faut mettre en évidence les problèmes que l’on peut rencontrer avec vos machines, la belle devanture ne présage aucunement la possibilité que survienne de tel désagrément.

J’ai eu le café sans la touillette, la touillette sans le café, ni le café ni la touillette et j’ai vu maintes fois des gens jouir d’un café et d’une touillette. Alors il faut faire quelque choses.

Le préposé aux machines trempa sa main dans une sacoche accrochée à sa taille et en ressortit deux euros, il me les tendit.

-Voici monsieur. »

Je pris la pièce et m’en allai. Mon train arrivait à quai dans une dizaine de minutes. La maintenance de la machine, son boulot fini, se rendit sûrement vers un autre appareil. Le poids de la pièce dans ma main était doux, elle était fraîche, neuve.

Quelques secondes passèrent et je me rendis à pas lents jusqu’à la machine diabolique, jetai un regard à droite, à gauche puis insérai la pièce dans la fente.

hahaha j'adooooooore !! il n'y a pas plus frustrant que d'avoir quelques minutes pour siroter un
café est de recevoir un gobelet vide ou plein d'eau chaude et suuuuurtout de voir tous les autres qui passent après avec leur cafés !