Fleurs de blue mountains (australie)
Banksia / Hakea / Waratah
La piste des fleursMythe Aborigène d'Australie dans le petit ouvrage "contes des sages jardiniers"
Pour la conteuse, un nouveau conte à raconter.
Les pistes sont nos parents
L'une mène au jardin-pré de Baiame
Les autres en redescendent
Avec les shamans et les fleursLe rêve est tout.
Tjukurrpa.Les étoiles du ciel, les sites sacrés, les plantes, les animaux, les humains sont liés par l'esprit. je connais ma montagne, ses chants, ses bonnes peintures, je plante les récits anciens et je veille. Je danse et peins ce qui va maintenant. J'ai vu le chemin coloré, la piste des fleurs. Nous autres, ici, n'avons pas de jardinets pour domestiquer les pensées sauvages. Nos
banksia, nos
hakéa, nos
waratah sont belles et farouches. Ce vaste continent est
le jardin. Nos sages ont suivi les recommandations de Baiame, le grand esprit créateur. En repeuplant la terre de fleurs, ils ont choisi les lieux où les répandre. Voici comment les
malins, nos shamans, ont jardiné la terre.
Bien avant le désastre et le déluge d'eau, les hommes vivaient en résonnance avec les choses cachées. Quand arriva l'inondation, les survivants avaient déjà oublié le cœur du Rêve, la cruauté s'était emparée d'eux et elle empira après le cataclysme. Il subsista une poignée de sages pratiquant l'entraide et des groupes épars, désorientés et à l'abandon. Devant ces changements, Baiame se retira en haut de la montagne. L'être surnaturel se concentra, communiqua en esprit avec les créatures. Alors, fourmis, hannetons, kangourous, toutes créatures ayant survécu quittèrent les lieux où elles vivaient. Les oiseaux et les fleurs montèrent jusqu'au refuge de Baiame esprit-ciel de la pluie, de la vie et de la mort. En une seule nuit, la terre fut déserte. Les shamans ayant reçu le message quittèrent leurs refuges, préoccupés par la disparition des abeilles et des fleurs. Ils allèrent vers la montagne qu'ils avaient vue en esprit et reconnue, comprirent ce qu'il était advenu des abeilles : elles bourdonnaient en multitude, sur les trois arbres sacrés, à la porte du désert. Les branches ployaient jusqu'au sol sous les fruits innombrables, devant les survivants affamés, confus, craintifs et repentants, et qui les désiraient. Les shamans parlèrent au peuple qui les écouta. Ils dirent où ils allaient, commandèrent de révérer le sanctuaire de vie gardé par les abeilles. Ils en appelèrent à la fraternité pour réintégrer le grand cercle des créatures. Pour la première fois depuis le désastre, cœurs et âmes étaient en paix.
Baiame, de sa retraite, reçut le vent frais de l'espérance, entrevit le sentier qu'il augurait. Il souleva les bras en coupe, fit germer des arbres inconnus sur la terre lézardée. Les eucalyptus furent bientôt immenses, rejoints par les abeilles.
-Cela est bon, dirent les shamans, avec ces arbres Baiame nous a rendu le miel.
Ils laissèrent le peuple et reprirent le chemin de la montagne.
Ils allèrent ainsi dans le désert aride durant des lunes. Leurs corps étaient brûlés, leurs barbes et leurs cheveux broussailles, mais leurs yeux fatigués brillaient.
Ils arrivèrent un jour devant le roc immense. La paroi était lisse, nul chemin visible pour grimper, alors ils en firent le tour. Après des jours de marche, ils virent ne cavité, puis une autre, une autre encore, telles des marches creusées dans la paroi rocheuse. Ainsi débuta l'ascension hardie vers la retraite où l'Esprit appelait ses créatures. Le sommet semblait hors d'atteinte, avalé par un puits de brume. Pour les encourager, l'Être invita une ambassade d'aigles à s'élancer vers les hauteurs et piquer en des précipices vertigineux. Les shamans se hissèrent au-dessus des nuages et campèrent autour d'une source-rêve, dont l'eau montait. Après avoir bu, ils furent ragaillardis.
-Cela est bon, avec cette eau Baiame nous a rendu la force.
Un peu plus haut ils virent un grand cercle fait de lourdes pierres et pénétrèrent dans l'enceinte. Alors, ils entendirent la voix puissante, sans savoir si elle venait du dehors, de l'intérieur d'eux -mêmes ou des deux à la fois.
-Que faites-vous dans la paume de ma main ?
Et ils furent secoués comme des feuilles d'un arbre par la tempête.
Le plus âgé se releva et répondit:
-Nous avons reçu un message dans nos esprits, nous sommes venus. Nous avons vu tes arbres sacrés porter les derniers fruits, compris et transmis la signification au peuple. Nous avons vu pousser leurs frères géants, nous te remercions de les avoir donnés aux nôtres, mais nous sommes inquiets pour les animaux et surtout pour les fleurs.
-Les animaux sont en route, voyez !
Et ils virent des oiseaux descendre comme pluie et des koalas, des wombats, des kangourous, opossums, varans, dingos, ornithorynques, lézards, émeus…
-Que pourriez vous faire des fleurs ?
-Elles nous inspirent, elles habillent nos songes, nos chants, nos danses. Depuis qu'elles se sont enfuies, les contes ont désertés nos lèvres, nos maux sont sans remède, nous n'avons plus de pigments ni de parures pour nous protéger et nous embellir. Si nos corps sont sans beauté, comment nos âmes auraient elles le désir d'y demeurer ? Tu nous as donné des géants, rends nous ces naines incomparables.
-Qu'il en soit ainsi, suivez donc la piste des fleurs emportez-les !
A ce moment, la nuit étant venue, mes étoiles brillaient. Une ouverture lumineuse se dessina dans le firmament, pointée par le sommet. Les shamans montèrent les dernières marches et ils passèrent la porte des étoiles. Un pré verdoyant et infini, jonché d'innombrables fleurs aux formes ingénieuses, composait un parterre aux couleurs inouïes.
Les malins, pris dans un bouquet de parfums, ramassèrent les bulbes avec un soin sacré, récoltèrent les graines, prenant leur temps pour ne pas oublier une seule espèce. Quand ils furent revenus dans le cercle de pierre, Baiame leur dit:
-Je vous ai appelé pour vous aider à surmonter l'épreuve et réveiller les chants.
Asseyez-vous, formez le cercle sacré, rappelez vous qu'il est mon corps. Contez la piste des fleurs, cultivez-la, sinon elles repartiront. Choisissez avec sagesse le lieu où vous irez les planter. Faites de la terre un reflet du jardin. Soignez avec l'eau des fleurs vos peurs, votre colère : Le souvenir du désastre vous poursuivra longtemps. N'oubliez pas la prairie céleste, protégez les abeilles et rejoignez le cerce des étoiles.
L'Être sourit en esprit et se retira dans les territoires des Rêves.
Les pistes sont nos parents
L'une mène au jardin-pré de Baiame
Les autres en redescendent
Avec les shamans et les fleurs