J’arrivais à la fin d’un film, j’allumais tout juste la télé.
Sur un fond noir, lentement, défilait une longue liste de noms accompagnés d’une musique qui me parut a mon grand étonnement, très agressive, trop émotionnelle.
Cette chanson m’enflamma d’une manière étrange.
Un air solennel, une voix féminine forte et envoutante.
Je me sentis soudain comme invité à ressasser ma souffrance.
Apercevoir, si clairement ce lugubre manège, donna naissance à une masse de colère silencieuse qui s’élevait du plus profond de moi.
Mon front se rida, je me saisis de la tasse de café de la main gauche et de la main droite, enfonçai le bouton 6 de la télécommande.
Simultanément je bus une gorgé et l’écran changea de monde.
Par précaution, je réduis fortement le volume.
Je me retrouvais en compagnie d’une bande de jeunes en vacances sur une île exotique.
Une île qui avait pour réputation de proposer principalement à ses visiteurs l’une des meilleures drogues du monde.
Le genre de reportage où la voix off donne irrémédiablement envie de se pendre.
Une voix haut perchée, impersonnelle et pourtant familière à nos oreilles.
Elle ne doute pas, dit toujours la vérité et vous suce le cerveau à la paille.
Je baissais encore le son, les images me parleraient d’elles-même.
Un moustique me piqua au mollet gauche. Je le vis quitter mon champ de vision en un éclair, tel un f5 tiger après une mission secrète
« Frappe chirurgicale sur abruti devant la tv terminé»
« Mission accomplie chef »
Je me grattais automatiquement sans quitter des yeux ces jeunes, avides, en recherche, d’après ce qu’ils semblaient expliquer d’un air innocent de,
« Sensation nouvelles »
Un garçon et deux filles, de type européen, faussement perdus dans la pampa thaïlandaise et moi je me grattais….
Ils entraient dans une vielle cabane de bois. Ici, leur explique un guide, qu’on peut qualifier de très laid, ils pourront goutter en toute tranquillité à la béatitude, au nirvana et à plein de choses.
Je me sentis de nouveau très irrité, tout en pensant que, je portais, ce soir, des chaussettes hautes.
« Les moustiques de cette année sont robustes »me suis-je dit à haute voix.
Je me surpris a remonter le son.
Inconsciemment, ma main avait bougé et je dus lui rappeler qui, ici, était le patron.
Je remis aussitôt le niveau de décibel acceptable.
J’entre dans la cabane de bois, le sol jonché d’autochtones immobiles a semi conscient couchés sur d’énormes feuilles de palmier.
Les yeux dans le vague, la bave aux lèvres, collés les uns aux autres.
Aucune lumière ne filtre ici, juste un petit générateur d’électricité et une ampoule posée au sol éclairent un coin du cabanon.
Je suis tout excité, les effluves de cette mixture mystique m’obstruent les sinus, une envie monstrueuse de baiser me traverse.
J’enjambe les obstacles, m’assieds sur un vieux tapis usé, parsemé de taches douteuses et m’explique adroitement à la camera.
« Je ne me drogue pas d’habitude, C’est occasionnel, Je veux tout simplement faire un maximum d’expériences, ne pas mourir bête »
En même temps je ne perds pas la pipe des yeux, elle fume abondamment, elle passe de main en main. Les corps autour d’elle tombent Ko technique.
Mon ami a tiré une grande bouffé, il recrache lentement un nuage grisâtre , la lueur dans ses fenêtres a disparu.
« Alors… »
Il ne répond plus, il est ….ailleurs.
J’ai enfin l’objet sacré entre les mains, j’en mouille.
Le guide me fait signe, je porte le bout de bois sculpté jusqu'à ma bouche .
A cet instant, le temps se fige, comme un mini testament qui se déroule en moi.
J’accepte ma faiblesse, ma finitude, ma condition misérable, j’abandonne ma responsabilité envers le don qui m'a été fait ,LA VIE.
LA conscience martèle sans relâche.
« Tu es une drogué ma fille, tu passes sur une chaîne nationale, des millions de gens t’observent, tu as cédé ton âme au vendeur de soupes pour quelques euros et un paradis éphémère, chimique. »
« Oui conscience, oui, mais là j’ai de quoi te faire fermer ta gueule, alors accroche-toi vieille amie et profite du voyage»
Autour de la pipe il ne reste que des coquilles vides, le cameraman n’en perd pas une miette. Certains sont pris de spasmes violents, d’autres essaient de se lever tant bien que mal, mais en vain. Par la suite les jeunes……
Mon doigt salvateur se posa sur le bouton off.
Je me perdis dans le vague, mon regard transperçait la réalité tangible de la télé.
Je revins au fauteuil puis me demandais quel pouvait être le but d’un tel reportage ?
Me voilà, Les avant-bras tendus, les mains ouvertes au ciel, j’attends.
Pas de réponse ?
L’esprit se tut.
Me vint l’idée de m’exposer les multiples perceptions possible, d’un tel spectacle mais aussitôt, j’eus le cadeau d’un gout de folie localisée vers l’arrière du crâne.
Tout ce temps mon café eut l’audace de refroidir, faisait-il parti de la production ?
Cette femme était-ce moi ? Ou étais-je plutôt le cameraman silencieux ?
Ou alors suspectons le guide, à la peau cramée par le soleil, édenté, sale et pourtant il donnait l’impression d’être le plus heureux des hommes.
Comme pour me sortir de ces pensées fumeuses, le moustique me revint.
(était-ce le même ?)Après quelques loopings des plus gracieux, face auxquels même le plus grand pilote de F5 tiger, n’aurait put faire autre chose que d‘applaudir, il finit son petit show sur le rebord de la tasse, puis très calmement, sans peur il m’observa, oui pendant un long moment il m’observa...
dodo
Sujet: Le f5 et les jeunes drogués (expression artistique) 
Lun 19 Sep 2011 - 20:38
