Un livre sorti en 2017 psychothérapie de Dieu a fait l'objet d'un entretien dans
les echos week-end
voici des extraits:
Des milliards de personnes prient chaque jour dans le monde. Qui prient-elles : un dieu universel ou à chacun le sien ?
Il faut distinguer spiritualité et religion. La spiritualité est un besoin fondamental de la condition humaine, dont le sentiment miraculeux d'être au monde est probablement l'un des fondements. Elle est universelle et n'a pas besoin d'institutions. C'est un sentiment d'élation comme disent les Anglais, d'élévation, qu'on peut ressentir dans un grand moment de bonheur, de quête de la beauté, de la transcendance. Les religions sont l'expression, multiple et culturelle, de cette spiritualité. Ainsi Boualem Sansal [romancier et essayiste algérien, NDLR] recense 50 manières d'être musulman ! Il y a aussi nombre de façons d'être juif. Les catholiques européens, chinois, sud-américains ou africains ont chacun leur manière de ressentir Dieu. Les rituels religieux évoluent sans cesse, qu'on le veuille ou non. Tous pourtant affirment respecter les textes de base.
Peut-on localiser Dieu, ou plutôt l'expérience de Dieu, dans le cerveau ?
Clairement oui. Ca étonne beaucoup alors que c'est une banalité du quotidien. Si je vous insulte ou si je vous fais un compliment, je modifie le fonctionnement de votre corps : vous pâlissez ou vous rougissez, votre coeur s'accélère, vous secrétez des neurohormones... Donc, prononcer un mot qui désigne une abstraction, agit sur le corps, le cerveau. Cette abstraction peut aussi être interne, autoproduite. Si on observe la zone cérébrale d'un croyant en prière, l'amande de neurones (l'amygdale rhinencéphalique) qui est le socle des émotions insupportables, s'éteint et le circuit limbique des émotions maîtrisées se met à fonctionner. C'est le même principe que lorsque je vous insulte ou que je vous complimente. Sauf que la représentation verbale vient de vous, de la façon dont votre culture vous a appris à prier. Elle agit sur votre cerveau et la sécrétion de vos neurohormones. Cela rend observable l'effet tranquillisant de la croyance.
Y a-t-il un renouveau de la spiritualité aujourd'hui ?
Je dirais plutôt l'aspiration à une nouvelle spiritualité, plus philosophique et moins religieuse. Et à l'inverse de ce qu'on pourrait penser, l'athéisme - qui est aussi une croyance, celle que Dieu n'existe pas - s'il est certes très minoritaire dans le monde, est en plein développement. Il est majoritaire en Occident et en croissance en Chine, où de plus en plus de gens affirment que Dieu n'existe pas. De même aux Etats-Unis, alors que les Américains trouvaient qu'il est immoral de ne pas avoir un dieu.
La prière est un médicament ? Une médecine douce ?
Ce ne sont pas exactement les mêmes circuits qui oeuvrent. Avec les médicaments, vous redevenez anxieux - ou en colère, ou bien malheureux - dès que vous les arrêtez. Quand vous agissez par la parole, ce sont les circuits limbiques de la mémoire et des émotions qui sont en jeu. Quand j'arrête de vous parler ou quand vous arrêtez de prier, cela reste dans la mémoire. Une médecine « douce » je ne sais pas, mais Jésus, par exemple, se disait soigneur. Il soignait par la parole, par les émotions intenses (les miracles), par l'imposition des mains... Tous les dieux sont là pour nous « circuiter », nous dire où est le bien et le mal, nous punir en cas de déviance, ils ont une fonction paternelle, chez les chrétiens encore plus. Et tous ont une fonction thérapeutique