Kundalini, le Yoga du Feu par Michel Coquet
Pour les passionnés de philosophies hindoues comme pour tous les pratiquants de yoga, la kundalinî reste un sujet de connaissance qui suscite autant de véritable intérêt que de curiosité passagère. Voilée derrière la discrétion d’un guru ou cachée derrière les symboles de l’initiation et des textes sacrés, cette connaissance, considérée comme l’un des plus hauts arcanes du yoga, est peu divulguée auprès de la plupart des disciples occidentaux aussi bien que des indiens. Et même si nous possédons quelques rares études sérieuses basées sur les traductions de textes sanskrits, sans une initiation, ils ne pourront jamais révéler correctement la vérité.
A l’intention des lecteurs non familiarisés avec ce thème, nous dirons très brièvement qu’il s’agit d’un feu sacré dont est doté tout être humain et dans lequel se trouvent toutes ses facultés potentielles. Ce feu en sommeil est localisé dans un chakra proche des vertèbres coccygiennes, d’où son nom de centre coccygien (muladhara chakra en sanskrit). Cette formidable force de transfiguration spirituelle peut être éveillée et élevée au moyen de certaines techniques de méditation, visualisation et respiration, sous l’œil vigilant d’un instructeur authentique. Lorsque cette puissance féminine s’élève de manière ondulatoire (d’où son nom de kundalinî) dans le méridien éthérique situé au centre de l’épine dorsale, jusqu’au cerveau, elle éveille sur son passage certains centres psychiques et spirituels. C’est ce qui permet au yogi d’expérimenter certains pouvoirs nouveaux et surtout des états de conscience, dont le principal est la dissolution du mirage d’être ce corps avec pour conséquence d’atteindre l’unité de conscience de son Esprit ou Soi. Il est alors libéré non seulement de tout karma, mais du cycle long et infernal de vie et de mort (samsara).
Ce que l’occultiste (yogi tantrika) acquiert au moyen de la manipulation des énergies, le mystique (jnâni) le réalise par la prière et la contemplation en accédant à la conscience de l’âme (buddhi) qui est le principe passif de conscience alors que la kundalinî est le principe actif de l’énergie. Ainsi, lorsque l’on éveille kundalinî, on acquiert la conscience de l’âme et similairement la contemplation, une fois réalisée, éveille et élève naturellement le feu sacré de la Mère divine. L’idéal est bien sûr de fusionner les deux techniques. Le problème vient du fait que les instructeurs ont voilé à dessein les écrits qui en parlent et que les interprétations divergent ou même s’opposent. L’objet de mon ouvrage (aujourd’hui épuisé) était donc de rectifier ou de révéler certains points obscurs ou inconnus, à la lumière de la tradition. Comme un article nous limite, nous n’aborderons ici que quelques points essentiels.
Le premier point concerne évidemment la nature de ce feu sacré. Nous savons déjà qu’il s’agit d’une énergie de nature féminine en qui se trouvent toutes les potentialités. Sur le plan macrocosmique, c’est la substance première de l’espace d’où sont nées toutes les manifestations matérielles et qui est connue en Inde sous le nom d’âkâsha, lequel, à son point le plus élevé, est un son divin. C’est de cet âkâsha qu’émane une radiation, l’éther duquel sortiront successivement les quatre autres éléments cosmiques et matériels (air, feu, eau, terre). Par conséquent, la kundalinî peut être considérée comme une énergie faite de pur âkâsha à l’échelle microcosmique. En raison de sa pureté, elle ne peut s’élever dans le méridien central (sushumnâ nâdî) de l’épine dorsale avant que le corps éthérique (et ses nâdî) n’aient acquis une vibration identique au moyen des chakras. En raison de la différence (vibratoire) extrême entre le corps grossier (la personnalité humaine) et l’Esprit, nul contact n’est possible sans un double intermédiaire constitué du corps éthérique, côté énergie, et de l’âme, côté conscience. C’est pourquoi Jésus enseignait que l’on ne pouvait atteindre le Père sans passer par lui, le Christ ou l’âme en chacun.
Les sages nous enseignent donc que les chakras doivent être éveillés avant d’élever kundalinî, et non l’inverse comme cela est trop souvent enseigné, ce qui peut entraîner de très graves accidents. Il est cependant vrai que la montée du feu sacré éveille le point central de la triple constitution de chaque chakra, l’aspect volonté de Shiva, le dernier à
s’éveiller.
Le deuxième point important concerne les deux aspects de kundalinî, un passif et un actif. Le premier prend le nom de prâna-kundalinî, le second de
kundalinî-shakti. Pour avoir méconnu cette loi, de nombreux instructeurs hindous ont déformé la vérité et fait beaucoup de mal aux aspirants et aux disciples. Ces deux aspects d’une même force peuvent être comparés à un charbon ardent et à son rayonnement calorifère. Kundalinî-shakti est ce
charbon profondément enfoui dans le chakra coccygien, et elle ne pourra s’élever avant que le corps éthéro-physique n’ait été intensément purifié après d’âpres efforts au cours de nombreuses existences. Par contre la chaleur de cette kundalinî-shakti, mélangée à l’énergie de la vie ou prâna, est continuellement active au cours de l’existence et constitue l’énergie fondamentale du processus de l’évolution, d’où son nom de prâna-kundalinî. Ce processus consiste en une fusion progressive entre le prâna et certains principes, chakras et véhicules de conscience. Une première fusion des feux s’établit inconsciemment chez l’homme primitif, c’est la fusion des trois chakras de réception du prâna (généralement inconnus et non mentionnés) avec les trois aspects du centre coccygien, en un mot, il s’agit du mélange
prâna-matière. Puis, après quelques centaines d’existences, s’opère une autre fusion avec les feux du mental. C’est seulement à ce moment qu’un disciple peut éventuellement agir sur kundalinî-shakti en vue d’un éveil. Tant que le pouvoir de volonté n’est pas présent, le meilleur des instructeurs, ou la plus puissante des techniques, restera parfaitement inefficace.
Lorsque dans un homme brille la lumière de l’intelligence et de la discrimination, cela signifie que îda et pingalâ nâdîs sont purifiés et actifs, ce qui confère à chaque chakra la relative perfection des deux premiers aspects du chakra, l’aspect matière (Brahmâ), et l’aspect amour (Vishnu). Lorsque Kundalinî-shakti s’élèvera, elle éveillera le point central
et révèlera la présence de l’Esprit (Shiva) et le fils connaîtra son Père. Ce n’est qu’à partir de l’état de « transfiguration » qu’aura lieu la troisième et dernière fusion entre prâna-kundalinî, le mental supérieur et le chakra coronal, ce qui amène l’homme au bord de la résurrection ou du nirvâna.
Un troisième point, peu connu, concerne la nature des chakras. Il faut des existences nombreuses avant de pouvoir prétendre les rendre actifs par un effort de pure volonté. En réalité, chaque existence rend plus ou moins actif, non un chakra, mais l’un ou l’autre de ses pétales, et c’est l’évidence même qu’un chakra ne peut être stimulé par le biais d’une gemme, d’une action reiki, etc ! Réharmoniser les chakras au cours d’un stage démontre de la part de l’animateur, soit une totale ignorance du sujet, soit un esprit de profit.
Un point peu connu de la constitution des chakras est que chacun d’eux (les deux supérieurs exceptés) est relié au nâdî central (à l’un de ses trois circuits) par un filament éthéré. Le chakra est situé à quelques centimètres du corps. Au-dessus et au-dessous de chacun d’eux se trouve un disque de matière éthérique disposé horizontalement et qui a
pour fonction de le protéger des plans de conscience plus bas ou plus élevés. Le travail des tantrikas et des occultistes consiste à brûler ces obstacles (salutaires et protecteurs pendant l’adolescence de l’âme) par l’élévation de prâna-kundalini.
Les gens qui sont atteints de délire religieux, de folie ou de possession, qui entendent des voix ou sont soumis à l’influence pernicieuse des élémentals du plan astral, sont des personnes qui, par accident ou imprudence, ont brûlé la fragile membrane éthérique dont nous venons de parler et qui sépare le plan astral du plan physique. La médiumnité est un
état dont la caractéristique est justement l’absence de cette protection, d’où le fait que les personnes qui en sont victimes sont aisément possédées par des forces astrales. Dans le cas d’une pratique spirituelle menée avec compétence, prudence et patience, c’est la conscience qui, en s’élevant, dissout les membranes, et cela avec un moindre risque et sans souffrances
inutiles, permettant au disciple de maîtriser les différents plans de conscience jusqu’à l’élévation de kundalinî-shakti qui à terme dissoudra la dernière membrane séparant et protégeant les trois chakras supérieurs, le laryngé, le frontal et le coronal.
A propos des nâdîs (méridiens) à travers lesquels circule l’énergie de vie prânique, précisons que l’un des effets de la perfection humaine est de permettre au corps éthérique de s’harmoniser progressivement à l’un des quatre degrés de l’éther cosmique, ce qui permet au corps éthérico-physique de l’homme microcosmique de vibrer selon quatre modes jusqu’à ce qu’il parvienne à obtenir une similitude de vibration entre la matièredevenue âkâshique et l’Esprit (l’âtma des hindous). L’idée que la puissante kundalinî puisse emprunter le méridien central d’un homme ordinaire (même religieux) est absolument impensable car dans un tel cas le corps physique de l’infortuné serait littéralement consumé.
Le méridien situé à gauche de l’épine dorsale (îda nâdî) véhicule le feu par friction de la matière. A ce niveau de développement, les chakras sont encore orientés vers le bas et seuls sont actifs les pétales périphériques du chakra. Lorsque le méridien de droite (pingalâ-nâdî) qui canalise le feu solaire du mental, est actif, le second rang médian de pétales se déploie.
Cette fois les chakras sont orientés horizontalement comme on les représente dans les illustrations, ce qui signifie que l’homme est devenu une entité soi-consciente. Lorsque les deux feux fusionnés (fiction et solaire) entrent en contact avec le feu électrique de l’Esprit, cela provoque l’éveil des pétales situés au centre et le redressement des six chakras en
direction du centre coronal, l’élévation de Kundalinî-shakti et la fin de la manifestation humaine. Remarquons ici que pendant toute l’évolution, le chakra coronal reste identique à lui-même, il est orienté vers le bas sous la forme d’une espèce de parasol, d’où l’importance de cet attribut porté au dessus de la tête des dignitaires ou des maîtres spirituels dans la plupart des religions. L’éveil de Kundalinî-shakti se traduit surtout par la dissolution de la conscience individuelle dans la conscience universelle, ce qui implique la cessation de la conscience objective et la libération de l’Esprit hors de ses véhicules, le mental y compris. Cette fusion des feux au sommet du crâne a pour effet d’ouvrir les trois pétales de la triade (sat-chit-ananda) et de révéler le joyau dans le lotus à mille pétales.
Les sept chakras deviennent alors un buisson ardent (comme dans l’expérience de Moïse) et cette fois l’homme est libéré, il a transcendé sa nature humaine, a atteint le nirvâna et il fait désormais partie de la grande fraternité des êtres parfaits et libres. Tel est l’objectif de tout être vivant et aucune résurrection ne serait obtenue sans le plein épanouissement de la Mère divine, la kundalinî trois fois sainte.
Par Michel Coquet, en pdf sur son site.